PRÉSENTATION ORALE DE COGECO CÂBLE INC. (COGECO CÂBLE) LORS DE L’AUDIENCE PUBLIQUE DU CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES (CRTC) SUR LE PROJET D’ACQUISITION DE ASTRAL MEDIA INC. (ASTRAL) PAR BCE INC. (BELL)
PRÉSENTATION ORALE DE COGECO CÂBLE INC.
(COGECO CÂBLE)
LORS DE L’AUDIENCE PUBLIQUE DU CONSEIL DE LA
RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
CANADIENNES (CRTC) SUR LE PROJET D’ACQUISITION
DE ASTRAL MEDIA INC. (ASTRAL) PAR BCE INC. (BELL)
12 septembre 2012
L’énoncé fait foi
LOUIS AUDET
1. Monsieur le président, madame et messieurs les conseillers, nous
vous remercions de l’occasion que vous nous donnez d’exprimer
de vive voix notre point de vue lors de cette audience publique si
cruciale non seulement pour l’avenir du système canadien de
radiodiffusion mais aussi pour l’ensemble de l’industrie des
communications au Canada. Je suis Louis Audet, président et
chef de la direction de Cogeco Câble. Les autres comparants
pour Cogeco Câble sont, à ma droite, Yves Mayrand, vice-
président, Affaires d’entreprise, à sa droite le professeur Roger
Ware de l’Université Queen’s, auteur de mémoires d’expert
annexés à notre intervention, et à ma gauche, Suzanne
Blackwell, présidente de Giganomics Consulting, qui nous a
assistés dans la préparation de notre intervention et des autres
annexes de notre intervention.
2. Permettez-moi de remettre les choses dans leur juste perspective.
Premièrement, la requérante vous présente cette mégatransaction
de 3,4 milliards de dollars comme une transaction d’affaires
ordinaire qui devrait se jouer, au plan réglementaire, entièrement
et uniquement sur une mesure de part de marché d’auditoire
télévisuel, et principalement dans le marché francophone de la
télévision au Canada. Mais voilà le hic : il s’agit de la plus
grosse transaction de l’histoire au sein du système canadien de
radiodiffusion, d’une transaction qui implique un niveau de
concentration de propriété sans précédent, tant pour la télévision
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hertzienne que la télévision spécialisée, la télévision payante, la
radio et les nouveaux médias à la grandeur du Canada, et d’une
transaction qui implique aussi un niveau d’intégration verticale
sans précédent entre la production, l’assemblage et la
distribution de contenus audiovisuels de toutes catégories dans
les deux langues officielles sur toutes les plateformes de
communications électroniques fixes et mobiles dans l’ensemble
du Canada, y compris au Québec. Ces niveaux de concentration
et d’intégration verticale seraient largement sans pareil parmi les
pays du G8. Durant la comparution de Bell, nous avons tous été
témoins de quelques énoncés généraux de bonnes intentions et
d’ajustements techniques à la demande d’approbation. Mais sur
un plan plus important, Bell a délibérément choisi de ne pas
traiter de l’enjeu crucial au cours de sa comparution. Au
contraire, Bell a obstinément écarté toute voie possible pour
traiter de la question fondamentale du pouvoir de marché
dominant soulevé par cette mégatransaction. La requérante n’a
tout simplement pas rencontré son fardeau de la preuve.
3. Deuxièmement, la requérante veut nous faire croire que cette
mégatransaction est bonne pour les consommateurs canadiens et
dans l’intérêt public parce qu’elle permettrait à Bell de mieux
faire concurrence à Québecor au Québec. Or, les consommateurs
canadiens assisteraient tout simplement à la disparition du plus
important producteur et programmateur indépendant de contenus
audiovisuels au Québec et au Canada, du principal concurrent de
Bell et de Québecor dans la fourniture
de services de télévision
spécialisée et payante dans le marché francophone, et d’un siège
social d’entreprise indépendante à capital ouvert dans le secteur
clé des communications et de la culture à Montréal et au
Québec. Les consommateurs québécois et canadiens ne sont pas
dupes : ils comprennent très bien qu’il y aurait en fait moins de
concurrence si cette mégatransaction devait être approuvée, et
qu’ils en feraient les frais en bout de piste. Ils sont maintenant
plus de 60 000 mille à avoir déjà exprimé leurs préoccupations
par écrit et demandé le rejet de cette mégatransaction. Un
sondage récent mené par une maison indépendante, Forum
Research Inc., conclut qu’une très nette majorité de canadiens,
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tant au Canada anglais qu’au Québec, s’oppose à cette
mégatransaction. Les organisations qui représentent les
consommateurs québécois et canadiens s’y opposent
catégoriquement. J’ajouterais que, à sa face même, le fait
d’assurer la domination du système canadien de radiodiffusion et
de l’industrie des communications par Bell dans l’ensemble du
pays ne peut tout simplement pas constituer un résultat
souhaitable pour la concurrence et les consommateurs canadiens
en général, ou pour les consommateurs québécois qui se
trouveraient pris dans un étau entre deux groupes intégrés
verticalement, et avec une source de programmation
indépendante en moins.
4. Troisièmement, la requérante fait parader ce qui est devenu tout
récemment lors de ces audiences une enveloppe de 241millions
de dollars en avantages significatifs pour justifier cette
mégatransaction. Une grande partie de l’attention s’en trouve
malheureusement détournée sur ces « avantages » ponctuels,
alors que la question fondamentale qui se pose en l’instance, soit
le problème structurel causé par un accroissement considérable
de la concentration et de l’intégration verticale et le préjudice
durable qui en découlerait pour la concurrence et la diversité au
sein du système canadien de radiodiffusion et de l’industrie des
communications dans l’ensemble du Canada, s’en trouve
complètement occultée. Soyons francs : tout le débat sur la
valorisation des divers actifs les uns par rapport aux autres,
l’étalement des « avantages » sur cinq, sept ou même dix ans, ou
si 0%, 17% ou 20% du montant total de ces « avantages »
devrait aller d’une poche à l’autre entre une filiale de
radiodiffusion et une filiale de télécommunications au sein du
groupe Bell constitue une manœuvre de di version qui vise à
permettre à Bell d’échanger une poignée de dollars dans des
« concessions » de dernière minute pour l’approbation d’une
transaction contraire à l’intérêt public. Le premier et le seul
véritable test, ce n’est pas le paiement d’avantages selon la
formule standardisée par le Conseil, ce que tout acquéreur
d’Astral devra nécessairement payer, mais bien celui de l’intérêt
public. Autrement, cela voudrait dire qu’une entreprise déjà
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dominante comme Bell peut acheter à sa guise un plus grand
pouvoir de marché en payant tout simplement un tarif ordinaire
prescrit. À ma connaissance, il n’y aurait pas d’exemple aussi
pervers d’application d’une politique publique touchant la
concurrence, que ce soit dans toute industrie au Canada, ou dans
toute industrie ailleurs dans les pays développés.
5. Quatrièmement, Bell vous fait valoir que cette mégatransaction
ne pose aucun problème puisque vous avez un cadre de
réglementation sur l’intégration verticale et des mesures vigueur
pour intervenir au besoin. Au départ, c’est une affirmation
hautement suspecte venant non seulement de la plus grande
entreprise de communications intégrée verticalement au Canada,
mais en plus de l’entreprise qui a vertement dénoncé ce même
cadre de réglementation il y a moins d’un an et avancé
publiquement par la suite que le Conseil devrait laisser libre
cours au marché en bout de piste. Mais de manière plus
fondamentale, cette position escamote les comportements
anticoncurrentiels de Bell qui ne s’est jamais gênée, au cours de
son histoire, et de manière évidente depuis l’acquisition de CTV,
pour tirer avantage des imprécisions, des délais et des coûts
qu’impliquent les procédures réglementaires tout en profitant de
sa position dominante. Ce n’est pas une coïncidence si tous les
distributeurs indépendants au Canada ont vécu la même
expérience aussi frustrante que coûteuse dans le renouvellement
de contrats de fourniture de services de programmation de Bell
Média depuis l’acquisition de CTV par Bell, ou qu’ils se soient
frappés à un mur de brique en tentant d’acquérir de Bell Média
le droit de distribuer les mêmes contenus sur leurs propres
plateformes de distribution sur demande et par Internet. Ce
n’est pas non plus une coïncidence si Cogeco Câble a été au
contraire en mesure de conclure récemment avec Astral des
renouvellements de contrats et obtenir des droits
multiplateformes pour les services de télévision spécialisée et
payante de langue française d’Astral dans le cours normal des
affaires sans devoir recourir à des procédures réglementaires
alors qu’Astral est encore, pour l’instant, un programmateur
indépendant. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, des
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marchés pleinement et fonctionnellement compétitifs sont
nettement la solution préférable. Pourquoi devrait-il en être
autrement au Canada? Pourquoi devrait-on viser ici à gagner le
championnat de la concentration et de l’intégration verticale
dans les communications électroniques, toutes catégories
d’activité confondues? Il n’y a aucun avantage pour l’intérêt
public à faire grossir un conglomérat pour essayer ensuite de le
contrôler par la réglementation. L’e xpérience passée, notamment
dans les télécommunications, démontre clairement qu’une fois le
monstre créé, il est impossible de le contrôler et la
réglementation est vouée à l’échec. L’excès de concentration et
d’intégration verticale dans une industrie cause un tort aussi
grave qu’irréversible, et ce sont des générations de
consommateurs qui en subissent invariablement les
conséquences néfastes.
6. La requérante veut vous faire croire enfin que cette
mégatransaction est non seulement inévitable mais aussi la seule
qui puisse être conclue dans les circonstances. Or, ce n’est
évidemment pas le cas. Astral est une société ouverte dont les
titres sont transigés en bourse. Il y avait, et il y a toujours, un
marché public pour les titres de cette entreprise, et la circulaire
d’information émise par la direction aux actionnaires de
l’entreprise démontre que, malgré la connaissance d’offres
provenant de parties autres que Bell, la direction et l’actionnaire
principal d’Astral ont choisi de traiter exclusivement avec Bell et
de faire porter entièrement par cet acquéreur privilégié lui-même
le risque financier des approbations réglementaires requises. Le
Conseil doit exercer son devoir d’évaluer cette mégatransaction
au plan des conséquences qu’elle implique non seulement pour
la diversité des voix en télévision mais aussi pour l’ensemble de
l’industrie des communications au Canada, et le faire à la
lumière de l’intérêt public, sans se considérer de quelque
manière lié par cet arrangement exclusif conclu entre Bell et la
direction et l’actionnaire principal d’Astral.
7. Monsieur le président et membres du Conseil, si vous voulez
exercer de manière crédible votre juridiction en matière de
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changements de propriété dans le secteur des communications,
vous devez assumer pleinement votre rôle de garant de l’intérêt
public et vous devez être disposés à dire non lorsqu’une
transaction est contraire à l’intérêt public. Le Conseil l’a déjà
fait, sous la présidence de M. André Bureau, qui occupait alors
ce poste, lorsque Power Corporation a tenté de faire l’acquisition
de TVA.
8. Pour toutes ces raisons, nous vous représentons que le Conseil
doit tout simplement refuser d’approuver cette mégatransaction
dans le meilleur intérêt du système canadien de radiodiffusion,
de l’ensemble de l’industrie des communications, de la
concurrence au sein de cette industrie et des consommateurs
canadiens, y compris des consommateurs québécois.
9. Il nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.